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Glamscrolling, doomscrolling, sadscrolling… : quand le scrolling devient un piège mental

Quel parent n’est pas agacé de voir son ado passer des heures sur son téléphone à faire défiler ce que l’algorithme d’Instagram, de TikTok ou autres a choisi de lui montrer ? Qui d’entre nous ne passe pas du temps sur les réels, les infos, les vidéos drôles ou autres ?

Le scrolling fait partie des gestes les plus banals de notre quotidien numérique. On scrolle sur son téléphone, sans y penser, pour passer le temps, se détendre, attendre.

Mais, ce défilement apparemment inoffensif finit, pour certains, par avoir des effets psychiques lourds.

Quatre dérives principales ont été identifiées : le doomscrolling, le sadscrolling, le glamscrolling et le morbid scrolling. Toutes reposent sur une même logique : un enchaînement de contenus qui suscitent une forme de tension ou de vide, mais auxquels on ne parvient pas à mettre fin.

Et les conséquences sont loin d’être anodines.


Le scrolling, un automatisme bien conçu

Le scrolling est la fonction la plus basique de l’interface des réseaux sociaux. Il repose sur une pagination sans fin, appelée infinite scroll, qui supprime volontairement les interruptions naturelles de navigation.

Aucune pause, aucun bouton « page suivante », juste un glissement de doigt qui peut durer des heures.

Ce design, popularisé par les grandes plateformes, exploite un biais cognitif connu : notre difficulté à interrompre une action non terminée. Le cerveau, dopé à la promesse de nouveauté, continue de chercher le prochain contenu satisfaisant.

Ce mécanisme devient problématique lorsqu’il alimente un comportement répétitif qui déstabilise l’état émotionnel ou renforce un malaise latent. Chez certains utilisateurs, il provoque même une forme d’addiction comportementale : l’envie de continuer à scroller dépasse le simple plaisir, jusqu’à devenir une compulsion difficile à interrompre.

Passons en revue les quatre formes de scrolling les plus répandues.




Doomscrolling : quand le besoin d’être informé devient un piège

Le doomscrolling est probablement le terme le plus connu.

Il désigne cette habitude de faire défiler en continu des contenus anxiogènes : actualités, catastrophes, crises sanitaires, conflits, faits divers violents. Ce scrolling de l’angoisse s’est largement répandu pendant la crise du Covid-19.

Prenons un exemple concret : une personne commence sa journée en consultant les actualités sur son téléphone. Elle lit un article sur un conflit international, qui s’enchaîne avec une vidéo de témoignages poignants puis un fil de réactions sur X. Trente minutes plus tard, elle se sent vidée, inquiète, mais n’a toujours pas arrêté de scroller. 

L’intention est claire : être informé, comprendre, anticiper. Mais, l’effet est inversé. L’accumulation de mauvaises nouvelles provoque une fatigue psychique, un sentiment d’impuissance, voire une perte de repères face à la réalité.

Une étude de 2022 publiée dans Technology, Mind, and Behavior par Vannucci et McCauley a mis en évidence que la consommation excessive d’actualités négatives en ligne était significativement liée à des niveaux accrus de détresse psychologique, d’anxiété et de stress perçu.

Une étude souligne les effets sur la qualité du sommeil, l’anxiété chronique, et la perception altérée du monde. Le cerveau sature, mais ne s’arrête pas.


Sadscrolling : le vide appelé vide

Le sadscrolling est plus discret. Il décrit le scrolling par ennui, solitude ou vague à l’âme. On ne cherche rien de précis, on passe d’une vidéo à une autre, d’un post à un autre, en espérant une distraction, un réconfort, une connexion.

Imaginez une personne seule le soir, qui ouvre TikTok ou Instagram par automatisme. Elle regarde des vidéos de gens qui dansent, de recettes, d’animaux drôles, de confessions douloureuses.

Elle ne rit pas, ne s’arrête pas, mais continue, espérant tomber sur quelque chose qui l’anime. Une heure passe. Elle n’a rien retenu. Elle se sent encore plus seule.

En effet, plus on scrolle, plus le sentiment de vide s’installe. Le contenu ne comble rien, il accentue le manque. Ce comportement, parfois appelé coping numérique maladaptatif, maintient l’utilisateur dans un état passif et résigné. Il ne détruit pas frontalement, mais il use lentement.

Chez les jeunes, le sadscrolling est fréquent le soir, avant de dormir, ou pendant les moments de creux social. Il alimente une impression de solitude partagée… mais non résolue.


Glamscrolling : le paraître qui épuise

Le glamscrolling touche surtout les plateformes comme Instagram ou TikTok. Il s’agit de faire défiler en boucle des contenus visuellement attirants : corps parfaits, voyages luxueux, intérieurs désign, lifestyles millimétrés.

Une adolescente ou une jeune femme regarde les stories d’influenceuses affichant des corps sculptés, une peau parfaite, un rythme de vie sans accroc. Elle sait que tout est filtré, retouché, scénarisé. Pourtant, elle se regarde dans le miroir, compare, soupire. Et repart dans la boucle, sans se sentir mieux, au contraire.

Ces images provoquent un double effet : fascination et dévalorisation. Le glamscrolling a bousillé l’estime de soi d’une génération entière.

Ce n’est pas une simple pression sociale. Ce n’est pas une petite gêne passagère. C’est une destruction lente de la confiance. Une atteinte directe à l’image de soi. Et dans certains cas, un déclencheur de troubles graves : TCA, dépression, isolement.

Une étude de 2023 du Journal of Youth and Adolescence confirme l’ampleur du phénomène : l’exposition régulière à ces contenus visuels retouchés augmente significativement les troubles de l’estime de soi et l’insatisfaction corporelle chez les jeunes filles (source).


Morbid scrolling : quand le malaise attire

Le morbid scrolling reste moins connu, mais il se répand vite. Il consiste à faire défiler sans fin des contenus malsains : violences banalisées, règlements de compte filmés, humiliations diffusées, ou récits morbides mis en scène pour attirer l’attention.

Des adolescents tombent sur des vidéos TikTok montrant des tentatives de suicide racontées en voix off, des scènes de mutilation, des histoires de maltraitance racontées avec une musique douce en fond. Ils ne cherchent pas ce contenu. L’algorithme l’amène à eux. Et ils regardent. Jusqu’au bout.

Ils savent que ça dérange. Mais ils ne détournent pas les yeux. Ils s’habituent.

Ce type de scroll ancre une violence diffuse dans l’esprit. Il brouille les repères. Ce qui choquait devient normal. Ce qui inquiétait devient familier. La souffrance devient un décor. Et l’exposition répétée finit par fragiliser le regard, parfois sans retour.

Ce scrolling ne choque pas toujours : il use, parfois il tue.



Impact psychologique : le scroll abîme et détruit.

Le scroll détruit. Pas tout de suite. Pas bruyamment. Mais sûrement.

Derrière chaque mouvement de doigt se cache une mécanique bien huilée : capter, retenir, épuiser. Doomscrolling, sadscrolling, glamscrolling, morbid scrolling… tous exploitent la même faille : votre cerveau.
Et tout est pensé pour l’enfermer dans la boucle.

Les plateformes ne proposent pas du contenu : elles testent vos réactions. Elles vous épient, vous adaptent, vous accrochent.
Ce n’est pas une dérive. C’est leur modèle économique.
Ce n’est pas de la distraction. C’est de l’exploitation psychique.

Et le résultat est là :

  • fatigue mentale
  • concentration en miettes
  • tristesse chronique
  • nuits hachées
  • confiance en soi pulvérisée

On parle de millions d’utilisateurs affaiblis, de jeunes plongés dans une spirale d’auto-dévalorisation, d’adultes qui se sentent vides sans comprendre pourquoi.

Les dégâts ne se paient pas en silence.
Ils se paient en anxiolytiques, en troubles alimentaires, en crises d’angoisse.


Que faire ?

Le scrolling est devenu une réponse réflexe : pour combler un vide, fuir un malaise, ou simplement occuper l’attente. Doomscrolling, sadscrolling, glamscrolling, morbid scrolling… ces formes multiples disent toutes la même chose : On alimente le manque au lieu de le combler.

S’arrêter n’est pas simple. Le système est pensé pour vous en empêcher.

Nommer ce que l’on fait, c’est déjà reprendre un peu de contrôle.
Encore faut-il avoir la volonté de regarder les choses en face.
Pas le contenu. Mais, ce qu’on cherche à éviter quand on l’enchaîne.

Et après ?
On ne parle pas ici de désintoxication numérique. On parle d’un geste simple : avoir la volonté de s’interrompre, même brièvement. Une heure. Une soirée. Dix minutes. Mais, il faut le faire !

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